lundi 20 avril 2009

La "Reconquista".


Au VIIIe siècle, presque toute la péninsule Ibérique est musulmane. Seuls quelques petits royaumes catholiques* subsistent dans le nord : Asturies, Castille, León, Navarre, Aragon, Catalogne. Au nom de la foi chrétienne, ces petits États entreprennent la reconquête du territoire : c’est la Reconquista*.






Quatre siècles de reconquête


L'effondrement du califat* omeyyade* de Cordoue au XIe siècle et son émiettement en une multitude de royaumes – les taïfas – permettent une avancée de la Reconquista. Alphonse VI de Castille (1042-1109) occupe Tolède en 1085. Mais les Almoravides*, musulmans venus du Maroc, repoussent les Castillans. Malgré l’arrivée massive de chevaliers français et la vaillance du célèbre Cid, Valence demeure capitale musulmane jusqu'en 1238. Cependant, les progrès des chrétiens sont continus : reconquête de Saragosse et de la vallée de l'Èbre en 1118. Mais les rivalités entre royaumes chrétiens favorisent l’intervention des Almohades* berbères* qui infligent une défaite au roi de Castille.
Au début du XIIIe siècle, les royaumes chrétiens unissent leurs forces. Soutenus par une croisade* venue de France, ils remportent la victoire de Las Navas de Tolosa en 1212. Les musulmans sont refoulés dans le sud de la péninsule et forment le royaume de Grenade. Ils se maintiendront pendant près de deux siècles à la faveur des rivalités entre les royaumes de Portugal, de Castille et d'Aragon. L'unification de l'Espagne en 1474, à la suite du mariage d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon, est décisive. Après un siège de plusieurs mois, Grenade tombe en janvier 1492. Les musulmans sont définitivement expulsés d’Espagne.


Une nouvelle Inquisition


Les années 1480 marquent la fin de la tolérance religieuse en Espagne. L’Inquisition, tribunal ecclésiastique instauré au XIIIe siècle pour lutter contre les hérésies, est alors relancée. Le grand inquisiteur Torquemada (1420-1498) poursuit les juifs et les musulmans, même convertis, dans toute la péninsule Ibérique avec une intransigeance telle, qu’il reste aujourd’hui encore un symbole du fanatisme.

jeudi 2 avril 2009

Jérusalem et Croisés.


La période croisée (1099-1187).

Les Croisades sont une série d’expéditions militaires qui, entre 1099 et 1291, établissent et maintiennent une présence chrétienne européenne en Terre Sainte. Les Croisées étant à la fois des administrateurs et des chroniqueurs, pratiquement toute la documentation sur les aspects si différents de leur vie est arrivée jusqu’à nous.

Les hommes de la première Croisade prennent Jérusalem le 15 juillet 1099. Vers midi, ils font une brèche dans le mur nord, près de la Porte d’Hérode. Ils sont quinze mille. Avec un fanatisme incroyable, ils commencent par massacrer Musulmans et Juifs. Ils pillent aussi la ville. Ils incendient de nombreux quartiers et détruisent les maisons, les mosquées et les synagogues. Ils tuent notamment tous les Musulmans réfugiés dans la mosquée al-Aksa.

Un témoin de la prise de Jérusalem raconte que la ville est pleine de cadavres et de sang. Dans les rues s’amoncellent des piles de têtes, de mains et de pieds. Dans le Temple de Salomon, autrement dit la mosquée al-Aksa, les cavaliers ont du sang jusqu’aux genoux et jusqu’aux rênes des chevaux [11]. Guillaume de Tyr, qui n’était pas présent, mais dont le récit émane de témoins directs, écrit lui aussi que les Croisés ont du sang des pieds à la tête et que, sur le seul Mont du Temple, dix mille "infidèles" périssent. Toutes les maisons sont méthodiquement dévastées et pillées.

Le chiffre de la population est éloquent. De trente mille avant la conquête croisée, il passe à trois mille après la conquête, nombre qui inclut aussi les Chrétiens syriens que le roi Baudouin a amenés à Jérusalem.

Une ordonnance des Croisés interdit tout établissement juif ou musulman à Jérusalem. En vue de renforcer le peuplement chrétien, l’ancien quartier juif est remis à des tribus chrétiennes de Transjordanie. Afin d’encourager leur implantation dans la ville, ils n’ont pas de taxes à payer.

Godefroi de Bouillon est nommé chef. Les deux premiers chefs chrétiens de Jérusalem sont Godefroi de Bouillon et son frère Baudouin. Godefroi de Bouillon refuse la couronne de Jérusalem. Il ne veut pas porter une couronne d’or sur le lieu où le Christ a porté une couronne d’épines. Il accepte seulement les titres de baron et de protecteur du Saint-Sépulcre. Baudouin, lui, est roi de Jérusalem avec tous les privilèges attribués à cette charge. A la même date, Tancrède, un Normand de Sicile, fait la conquête du premier territoire, la Galilée.

La Jérusalem de cette époque est décrite par Guillaume de Tyr, Foucher de Chartres et l’Higoumène Daniel, voyageur russe.

Voici le récit de ce dernier: “Jérusalem est une grande ville, protégée par des remparts très solides, et construite en forme de carré dont les quatre côtés sont d’égale longueur. Elle est entourée de nombre de vallées arides et de montagnes rocheuses. L’eau est complètement absente de cet endroit. On ne trouve ni rivière, ni puits, ni source près de Jérusalem, à l’exception de la piscine de Siloam. Les habitants de la ville et le bétail ne peuvent disposer que d'eau de pluie. Malgré cela, le grain pousse bien dans ce pays rocheux qui manque de pluie. On sème une mesure et on en récolte quatre-vingt-dix à cent. La bénédiction de Dieu ne repose-t-elle pas sur ce saint pays? Dans les environs de Jérusalem on trouve en nombre des vignes et des arbres fruitiers: figuiers, sycomores, oliviers, caroubiers, et un nombre infini d’autres arbres.

Les fondations du Royaume Latin sont établies par Baudouin I, qui règne de 1100 à 1118 et qui donne au royaume des bases solides. Entre 1101 et 1105, il rend d’abord la côte sûre. Puis, de 1106 à 1110, il fait reculer la frontière nord jusqu’à la principauté de Tripoli. En 1115 et 1116, il coupe les communications entre Damas et Le Caire en installant une ligne de forteresses sur la côte est de l’Araba, une vallée joignant la Mer Morte au Golfe d’Aqaba.

Les Croisés importent en Palestine le système féodal et son administration efficace. Ils utilisent pleinement les subsides qui leur viennent d’Europe. Les châteaux, abbayes et manoirs qu'ils construisent sont entourés de terres fertiles.

La deuxième Croisade apporte des renforts en 1147, avec une plus grande mainmise sur les territoires acquis. Sur place, l’armée permanente est constituée par deux grands ordres militaires, les Hospitaliers, ordre fondé en 1109, et les Templiers, ordre fondé en 1128. Ces ordres, qui ont d’abord débuté comme de petits groupes de chevaliers consacrés, deviennent des organisations immensément riches et puissantes, fournissant des unités de cavaleries hautement entraînées et qualifiées.

Les Hospitaliers s’occupent aussi des pèlerins malades. Leur hôpital se trouve près de l’église du Saint-Sépulcre, dans le secteur appelé le Mauristan. Voici la description qu’en fait Jean de Wurzbourg, pèlerin chrétien: “Un hôpital reçoit dans plusieurs pièces une multitude énorme de malades, à la fois hommes et femmes, qui sont secourus et soignés chaque jour à très grands frais. Quand j’étais là, j’ai appris que le nombre de ces malades s’élevait à deux mille, parmi lesquels de temps à autre, au cours d’une journée et d’une nuit, cinquante étaient emportés morts à l’extérieur, alors qu’arrivaient constamment de nouveaux venus. Que puis-je dire de plus? La même maison nourrit autant de gens à l’extérieur qu’à l’intérieur, en addition à la charité sans limite quotidiennement donnée aux pauvres gens qui mendient leur pain de porte en porte et ne logent pas dans la maison, si bien que la somme de toutes les dépenses ne peut sûrement jamais être calculée, même par les responsables et les servants. En addition à toutes ces sommes dépensées pour les malades et les pauvres, la même maison entretient aussi dans ses divers châteaux de nombreux hommes entraînés à toutes sortes d’exercices militaires pour la défense de la terre des Chrétiens comme l’invasion des Sarrazins.

Les Templiers assurent la sécurité du voyage des pèlerins entre la côte et la Ville Sainte. Leur quartier général est la mosquée al-Aksa, qu’ils ont transformée en église. Les débuts des Templiers sont modestes. Leur Règle leur est donnée en 1128, lors du Concile de l’Eglise à Troyes, alors qu’ils ne sont que neuf membres. Bernard de Clairvaux les soutient, de nouveaux membres affluent, et une croix rouge apparaît sur leur habit blanc. Leur richesse et leur pouvoir s’accroissent rapidement. La dépendance du royaume à leur égard est totale puisqu’ils sont chargés de la sécurité. A ce titre, leur puissance grandit au fil des années.

Les deux ordres monastiques et militaires des Templiers et des Hospitaliers sont d’authentiques créations croisées. Il n’existait auparavant aucun lien entre les vocations de moine et de chevalier. Ce sont les Croisades qui sont à l’origine de l’image du moine-soldat.

Les Templiers et les Hospitaliers ne sont pas sous la dépendance du roi, et l’Eglise Romaine obtient qu’ils ne soient pas non plus sous la dépendance du patriarche de Jérusalem. Ils sont directement sous la juridiction papale. En 1170, les Hospitaliers sont au nombre de quatre cents et les Templiers au nombre de trois cents .

Dans les cent mille personnes que la population croisée compte sur la Terre d’Israël, trente mille vivent à Jérusalem. Le centre politique et économique est cependant à Acre et non dans la Ville Sainte.

Les Croisés construisent des fortifications le long des côtes de Syrie et de Palestine, notamment à Antioche, à Tyr ou à Acre, villes permettant de rejoindre directement les grands ports d’Europe. Des châteaux protègent les voies de communication majeures. Deux groupes de forteresses ont une fonction particulière: le groupe du nord protège Tyr et le groupe du sud protège Ascalon.

Dans un mouvement inverse, les Musulmans maintiennent leurs capitales loin à l’intérieur des terres, au Caire, à Damas ou à Alep, pour les mettre à une distance suffisante de la mer où l’ennemi a de puissants bastions.

Pendant ce temps, la concentration des institutions militaires, religieuses et administratives des Croisés et les milliers de pèlerins venus de toute l'Europe contribuent à la prospérité économique de Jérusalem. En 1149, le Saint-Sépulcre est reconstruit suivant le plan de la Croix. C’est à cette époque que de nombreuses traditions chrétiennes liées à la vie de Jésus sont établies, notamment celle de la Via Dolorosa. Des édifices musulmans sont transformés en églises, et le Dôme du Rocher est rebaptisé Temple du Seigneur par les Croisés.

Entre 1166 et 1171, le Juif espagnol Benjamin de Tolède visite la Terre Sainte, et son récit est considéré comme le meilleur témoignage jamais écrit sur cette époque. “Jérusalem... est une petite ville, fortifiée par trois remparts, écrit-il. Elle est pleine de gens que les Musulmans appellent Jacobites, Syriens, Grecs, Géorgiens et Francs, et de gens de toutes langues... Jérusalem a quatre portes: la Porte d’Abraham, la Porte de David, la Porte de Sion et la Porte de Gushpat, qui est la porte de Jehosaphat, faisant face à notre ancien Temple, maintenant appelé le « Templum Domini ». Jérusalem “possède une teinturerie, pour laquelle les Juifs paient au roi un loyer annuel modeste, à la condition qu’excepté les Juifs aucun autre teinturier ne soit accepté à Jérusalem. Environ deux cents Juifs habitent sous la Tour de David à un coin de la ville.